Gonéri Le Cozannet, chercheur au BRGM1, a partagé le 6 avril dernier son expertise internationale sur les risques côtiers au cours de notre 4ème conférence « Les Rendez-vous Climat d’Antea Group ». A l’échelle des temps géologiques, la variation climatique est inédite. Son impact sur la France s’aggrave. La montée du niveau de la mer intensifie les risques côtiers : inondations chroniques et lors de tempêtes, érosion littorale. Le nouveau rapport annuel 2022 du Haut Conseil pour le Climat2 nous alerte : « À terme, les risques d’inondation par submersion marine sont clairement accrus en raison de l’élévation du niveau des mers due au changement climatique. »

Retour sur cette rencontre riche en informations illustrant l’urgence à trouver des solutions pour nos littoraux.

 

Des impacts de plus en plus visibles

En février dernier, menacé par l’érosion côtière, c’est tout un immeuble, le Signal à Soulac-sur-Mer (33) qui a été démoli. Une dune littorale a été ainsi reconstituée. Un symbole fort !

La tempête Xynthia en 2010 a eu des conséquences dévastatrices en Vendée. Venise lutte depuis des décennies contre l’élévation du niveau de la mer. Une barrière aménagée sur la Tamise protège Londres des inondations. Ce sont autant d’exemples emblématiques qui illustrent la problématique de l’élévation du niveau de la mer liée au changement climatique, et les risques associés. Et pourtant, nous ne faisons que constater les premiers signes d’une aggravation des risques côtiers due à l’élévation du niveau de la mer.

Une intensification des inondations et des populations menacées

  • Une première conclusion forte du GIEC : les activités humaines sont responsables du réchauffement climatique. Le changement actuel est sans précédent dans l’histoire géologique de la Terre. Il coïncide avec les débuts de la révolution industrielle. L’usage de plus en plus intensif des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) fortement génératrices de gaz à effet de serre (GES) expose notre planète à de nouvelles menaces.
  • Le risque d’inondation, l’un des aléas climatiques accentués par le réchauffement climatique, est lié d’une part aux pluies de plus en plus intenses, et d’autre part à l’élévation du niveau de la mer.
  • 2 signaux très forts : jusqu’à 3,6 milliards de personnes exposées aux risques climatiques, y compris sécheresses, canicules et inondations (45 % de la population mondiale), et 1 million d’espèces menacées d’extinction aujourd’hui (sur un total de 8 millions).

L’élévation du niveau de la mer va se poursuivre

  • Le constat : augmentation de 20 cm du niveau de l’océan depuis la fin du XIXème siècle. Les projections sur les 30 prochaines années indiquent + 20 cm !
  • Les causes : l’expansion thermique de l’océan, la fonte des glaciers de montagne, des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique. Et dans une moindre mesure une contribution des eaux continentales et souterraines.
  • Pour l’avenir, tout dépendra de deux facteurs : l’évolution de nos émissions de GES et celle des deux calottes glaciaires3

Comment s’adapter aux risques associés ?

L'adaptation progresse en Europe de diverse manières. En France par exemple, les Plans de Prévention des Risques d'inondation qui limitent l'urbanisation en zones côtières prennent en compte depuis 2010 une élévation de + 0,60 cm à l'horizon 2100. Mais les politiques mises en place demeurent insuffisantes face à la rapidité des changements. Quelques pistes d'actions sont données dans le rapport du GIEC : 

  • La protection, oui mais cela prend du temps. Exemple de la barrière MOSE qui préserve Venise depuis 2020, un ouvrage attendu depuis 40 ans… Et si l’aménagement d’infrastructures « grises » est souvent efficace économiquement (moins onéreux qu’une relocalisation), il peut dans certains cas perturber et détruire à terme un écosystème côtier.
  • L’accommodation réduit la vulnérabilité, notamment des logements. On parle ici par exemple de maisons flottantes, de passerelles comme à Venise. Mais son recours va vite atteindre ses limites.
  • Les solutions fondées sur les écosystèmes, sur lesquelles les rapports du GIEC et l’IPBES4 (Fondation pour la recherche sur la biodiversité) insistent, restent encore au stade expérimental et ne sont pas applicables partout.

En conclusion, les moyens d'agir sont multiples. Ils doivent être adaptés aux contextes locaux.

L’avenir des zones côtières ?

Il dépend d'actions immédiates : 

  • L’adaptation, car on sait que le niveau de la mer va continuer à s’élever pendant des siècles. Mais face à la rapidité des changements, les réponses demeurent insuffisantes. Le fossé se creuse entre planification et actions. « Nous avons besoin d’une adaptation transformationnelle » nous dit Gonéri Le Cozannet pour aller au-delà de simples ajustements.
  • L’atténuation : stabiliser le réchauffement climatique au niveau le plus bas pour donner du temps à l’adaptation. L’objectif : atteindre le « net zéro » de nos émissions de GES au milieu de ce siècle, en les divisant par 2 dès les 6 prochaines années. C’est au final un message très fort du 6ème rapport du GIEC.

Quelques messages clé de Gonéri Le Cozannet pour conclure :

« Le rapport annuel 2022 du Haut Conseil pour le Climat, qui évalue où en est la France dans sa transformation en termes d’adaptation au changement climatique, nous dit qu’on n’y est pas ! »

« On a une fenêtre d’opportunité qui est en train de se refermer pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) : une bonne santé, l’accès à une eau de qualité, des écosystèmes sains etc. »

Pour aller plus loin

Pour visionner la conférence de Gonéri Le Cozannet lors du « Rendez-vous Climat d’Antea Group », ou consulter la présentation :


 

1 Co-auteur du volet II du 6ème rapport du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité au changement climatique en Europe et en Méditerranée, paru en février 2022.

2 Rapport annuel 2022 du Haut Conseil pour le Climat « Dépasser les constats – mettre en œuvre les solutions », juin 2023

3 Les évolutions du Groenland et de l’Antarctique sont les plus impactantes sur l’élévation du niveau de la mer : respectivement + 7 mètres et + 60 mètres dans le cas d’une fonte totale (dans quelques millénaires…) mais qui pourrait atteindre + 1,7 mètre dès 2100 dans l’un des scénarios étudiés.

4 IPBES :Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.

 

Notre expertise sur le sujet

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Travaux fluviaux et maritimes

service Infrastructures
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Risques naturels

service Infrastructures
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Aménagements hydrauliques et maîtrise des risques d'inondation

service Eau